Optimiser le statut fiscal et social de l’exploitant agricole : le recours à la Déduction pour Épargne de Précaution.
Dans le tumulte de l’activité agricole, soumise aux aléas des cours des denrées, aux caprices du climat et aux fluctuations économiques, la gestion fiscale et sociale revêt une importance cruciale. Pour accompagner cette réalité mouvante, des dispositifs spécifiques sont mis en place, offrant aux exploitants agricoles des leviers d’optimisation. Parmi eux, la Déduction pour Épargne de Précaution (DEP) émerge comme un outil stratégique, introduit par la Loi de finances pour 2019.
L’activité agricole : un environnement en perpétuelle mutation
L’activité agricole, touchant à la matière vivante, animale ou végétale, est par nature fluctuante. Le résultat comptable et fiscal d’une structure agricole peut fortement varier d’un exercice à l’autre. Des cours de céréales qui s’envolent ou qui retombent très rapidement, une météo peu clémente qui entraine une baisse des rendements, une crise du prix du lait… autant de facteurs qui vont impacter les performances de l’entreprise.
Pour tenir compte de cette spécificité, l’exploitant agricole bénéficie de dispositifs spécifiques tels que :
- De nombreuses exonérations de plus-values avec des seuils supérieurs aux activités commerciales ou libérales,
- Ou la possibilité de déterminer son assiette fiscale ou sociale sur des durées différentes (annuelle ou triennale),
- Mais aussi l’annualisation des cotisations sociales MSA qui en cas de cessation, départ en retraite ne sont jamais régularisées l’année suivante.
Au fur et à mesure, le législateur est venu ajouter d’autres dispositifs spécifiques comme :
- La déduction pour investissement qui permettait à l’exploitant de provisionner fiscalement des investissements en matériel ou stock à venir,
- Mais aussi la déduction pour aléas qui permettait aussi de provisionner le risque d’aléas climatiques, économiques ou sanitaires.
Ces deux dispositifs ont été remplacés par un nouveau texte, issu de l’article 73 du Code Général des Impôts : la Déduction pour Épargne de Précaution (DEP). C’est la Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, dite Loi de finances pour 2019 qui a introduit cet outil d’optimisation fiscale et sociale.
La Déduction pour Épargne de Précaution : un outil au service du monde agricole
« La DEP peut être pratiquée par les exploitants individuels et les sociétés ou groupements agricoles qui relèvent de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles, sous réserve d’être imposés d’après un régime réel d’imposition (de plein droit ou sur option).
Il convient de préciser ici que la DEP pratiquée par les sociétés ou groupements agricoles non soumis à l’impôt sur les sociétés doit l’être à leur niveau. En conséquence, un associé ne peut pas pratiquer de DEP. sur la quote-part de résultat lui revenant. »
(Source - Impots.gouv)
Mais, qu’est-ce que la D.E.P. ?
Il s’agit, pour un exploitant agricole, de provisionner fiscalement (déduire) une charge qui aura comme contrepartie :
- Soit un placement financier d’au moins 50% de la somme déduite au cours de l’exercice ou des 6 mois qui suivent la date de clôture,
- Soit une variation d’un stock à l’actif.
Cette possibilité de déduire la charge et de ne faire le placement que 6 mois après la date de clôture, permet à l’exploitant et son expert-comptable, de tenir compte du résultat de la structure, et d’anticiper sa fiscalité et ses cotisations sociales à venir.
La DEP n’est cependant pas une baguette magique, mais elle doit permettre de lisser davantage les revenus agricoles. De plus, elle peut être reprise fiscalement ultérieurement, notamment si le résultat de l’exercice suivant est faible ou si l’exploitant a besoin de reprendre le montant placé.
Contrairement à la Déduction Pour Investissement, qui dans certains cas n’était jamais reprise, la Déduction pour Épargne de Précaution fera toujours l’objet d’un retraitement fiscal. Elle peut être reprise au terme d’une période maximum de 10 ans.
Fiscalement, la DEP permet donc de réduire l’assiette de calcul de l’impôt sur le Revenu, mais elle impacte aussi la base de calcul soumise aux cotisations sociales de la MSA.
Tout comme elle sera toujours reprise fiscalement, il en ira de même socialement, excepté lors de la dernière année d’activité de l’exploitant agricole.
A quel moment mettre en place une Déduction pour Épargne de Précaution ?
Mettre en place une DEP ne doit pas se faire au hasard. Bien entendu, il est nécessaire de suivre les textes fiscaux, notamment le BOI-BA-BASE-30-45-10 du 03/03/2021 qui précise toutes les conditions pour comptabiliser fiscalement cette déduction extra-comptable.
Il faut respecter les règles liées à la constitution d’une épargne monétaire, ou bien déterminer les coûts de revient afférents à certains stocks (fourrages, animaux dont le cycle de rotation est supérieur à un an). Il faut également s’employer à utiliser les bons formulaires. Comme toute réforme fiscale, de nouveaux imprimés de déclaration et de suivi ont vu le jour… la simplification normative dont on entend parler régulièrement.
Tous ces éléments ne feront pas ici l’objet d’un développement, vous pourrez retrouver l’intégralité des éléments dans le Mémento Agricole très apprécié de nous les experts-comptables.
Nous insisterons ici sur l’intérêt de cette DEP et sur ses conséquences.
L’intérêt, nous l’avons dit plus haut, c’est de bénéficier, lors de très bonnes années, d’une possibilité de placer les excédents et d’en déduire fiscalement 50%. Cela permet ainsi, dans les limites qui sont admises par l’administration, de diminuer les revenus de l’exploitant agricole. Pratiquer une Déduction pour Épargne de Précaution, a un impact immédiat, mais aussi au titre des deux exercices suivants pour ceux qui sont imposés sur un revenu triennal.
Cela entraine inévitablement une baisse des revenus soumis à cotisations sociales par la suite.
Mais prudence, tant que l’épargne financière n’est pas reprise, il n’y a pas de reprise automatique de la DEP, mais si l’exploitant a besoin de trésorerie et qu’il débloque les fonds, là il y a immédiatement reprise fiscale au cours de l’exercice. Dans certains cas, que nous venons de connaître après une envolée des cours de céréales, envolée qui est à présent finie avec une baisse marquée des cours, certains exploitants n’ont pas eu d’autres choix que de reprendre leur placement pour financer le cycle d’exploitation… La Déduction pour Épargne de Précaution est alors reprise et les conditions ne sont pas toujours réunies pour en formaliser une nouvelle.
Dans le cadre d’une DEP non monétaire, la gestion de la reprise est plus difficile et le risque moins maitrisé s’agissant de fluctuation sur les stocks.
La mise en place de cette déduction demande donc aussi d’anticiper les résultats futurs, et chaque cas est spécifique. La Déduction pour Épargne de Précaution pourra être un excellent outil pour telle ou telle exploitation, mais il ne faut pas généraliser. L’âge de l’exploitant, le délai avant la retraite, la stabilité financière de l’entreprise… sont autant d’éléments à prendre en compte.
Votre expert-comptable et nos collaborateurs comptables agricoles sont là pour vous accompagner dans ces simulations pour définir l’opportunité de mettre en place ce dispositif et si oui à quelle hauteur.
De nombreuses questions subsistent encore sur ce dispositif, notamment en cas de cession de parts de société ou groupements agricoles à d’autres sociétés, mais assujettis à l’impôt sur les sociétés. Dans ce cadre, que devient la DEP. accumulée ? Qu’en est-elle reprise, et qui est fiscalisé ?
Autant de questions qui seront n’en doutons pas l’objet d’analyse des services fiscaux et de cas de jurisprudence à venir.
Tout savoir sur nos services dédiés aux agriculteurs juste ici.
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